VetAgro Sup Région Rhône-Alpes Université de Lyon

Atelier A – Le changement climatique induit-il une aggravation des maladies infectieuses émergentes ?

Note de problématique

Depuis Hippocrate déjà, on sait que le climat affecte la santé. L’approche traditionnelle de ses effets est la recherche de corrélations entre variables climatiques et incidence des maladies. Mais cette approche en termes statistiques a ses limites car les effets … Lire la suite

Amphi Magat

Programme

Présidente : Chantal PACTEAU

Interpellateur : Anna-Bella FAILLOUX

Rapporteure : Agnès LEBLOND

14h00 première partie : la complexité de l’influence du changement climatique sur le lien biodiversité/santé

15h30 pause

16h00 deuxième partie : se coordonner pour agir

Synthèse

Synthèse par A. Leblond :

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Note de problématique – Atelier A : Le changement climatique induit-il une aggravation des maladies infectieuses émergentes ?

Depuis Hippocrate déjà, on sait que le climat affecte la santé. L’approche traditionnelle de ses effets est la recherche de corrélations entre variables climatiques et incidence des maladies. Mais cette approche en termes statistiques a ses limites car les effets du climat sur la santé sont aussi médiés par ses impacts sur les écosystèmes et la biodiversité.

Depuis une vingtaine d’années, les recherches concernant les impacts sanitaires du changement climatique portent principalement sur les maladies infectieuses. Mais ces impacts sont complexes, variables et difficile à étudier, car ils sont liés à de multiples facteurs. Outre les variables physiques (température, humidité…), il s’agit de décrypter les voies de transmission infectieuse (agents pathogènes, organismes hôtes, vecteurs de transmission, espèces réservoir) en les articulant aux
modifications liées aux activités humaines (modification de l’usage des sols, baisse de la biodiversité, flux mondiaux en tout genre).

Une approche de type EcoHealth est particulièrement pertinente pour aborder les questions climat-santé. Cette approche met en avant « le partage des responsabilités et la coordination des actions globales pour gérer les risques sanitaires aux interfaces animal-homme écosystèmes » et l’importance du «renforcement des collaborations entre santé humaine, santé animale et gestion de l’environnement». Les connaissances doivent ainsi porter tout à la fois sur la santé des individus, les
modifications des écosystèmes, la perte de diversité biologique, le changement global (dont lechangement climatique), sans compter les systèmes sanitaires.

Cet atelier a pour but d’échanger connaissances, expériences et réflexions sur l’enchevêtrement des niveaux de savoirs et de réfléchir sur la nécessité de mobiliser des expertises croisées afin d’élaborer des pratiques d’anticipation et d’interventions en contexte de forte incertitude pour faire face à des situations d’émergence.

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Biograhie Cécile Vignolles

Après un diplôme d’ingénieur en Agriculture (1991) et un doctorat en télédétection spatiale et Agriculture (1997), Cécile Vignolles a occupé de 1998 à 2001 un poste de chargée d’études au SAI (Space Applications Institute) du JRC (Joint Research Centre) de la Commission européenne où elle notamment contribué à l’élaboration du bulletin agrométéorologique du projet MARS (Monitoring Agriculture with Remote Sensing) pour l’Europe, la Russie, les pays de l’Est et le Nord du Maghreb. De 2002 à 2005, en tant qu’ingénieur de recherche à SCOT (Services & Conception de systèmes en Observation de la Terre), elle a travaillé sur des projets de R&D en Agriculture et Télédétection. Ingénieur de recherche au GIP Médias-France de 2005 à 2008, elle a été en charge de projets de R&D en Climat-Environnement-Santé et a participé à la mise au point de l’approche conceptuelle de télé-épidémiologie. Depuis 2009, elle est responsable des applications « Environnement-Climat-Santé » utilisant de l’Observation de la Terre par satellite au sein de l’équipe « Terre-Environnement-Climat » de la direction de la Stratégie et des Programmes du Centre national d’études spatiales (CNES).

Cécile Vignolles – Les images satellitaires au service de surveillance des émergences

Certaines maladies infectieuses transmissibles par des vecteurs dépendent de facteurs environnementaux et/ou climatiques. L’hétérogénéité spatio-temporelle de ces maladies vectorielles est également importante. Dans ce contexte, l’efficacité de la prévention des risques pourrait être améliorée par la mise à disposition aux opérateurs de la démoustication/lutte antivectorielle et aux autorités de santé, de cartes de prévision de « où et quand » il y aura un risque d’émergence des vecteurs de ces maladies et du niveau de ce risque. Des cartes de risques en temps quasi-réel pourraient ainsi fournir des informations utiles à l’optimisation des actions de lutte.

L’environnement est un déterminant majeur de la biodiversité de ces maladies à cause du caractère vectoriel de la transmission et des paramètres bioécologiques des vecteurs. Par ailleurs, les satellites d’observation de la Terre fournissent des données environnementales, climatiques et météorologiques. Les informations ainsi obtenues ne concernent pas directement les agents pathogènes (virus, bactérie, parasite) responsables de la maladie, mais leur environnement et notamment les habitats favorables au développement et à la prolifération des vecteurs. Dans ce contexte, le Centre national d’études spatiales (CNES) a développé avec ses partenaires une approche conceptuelle appelée télé-épidémiologie qui repose sur l’étude des relations climat-environnement-santé et sur une offre spatiale originale adaptée. La télé-épidémiologie a ainsi été définie comme une approche multidisciplinaire et holistique visant à comprendre et prédire la distribution spatio-temporelle des données entomologiques de terrain. Elle s’appuie aussi sur l’identification, la compréhension et la mesure des principaux mécanismes physiques et biologiques qui sont en jeu.

Basée sur des données entomologiques de terrain, sur le choix et le traitement d’images satellites de résolutions appropriées et sur une modélisation adéquate, l’étude réalisée en Martinique a permis de dresser des cartes de risque entomologique (risque de présence de gîtes positifs en larves d’Aedes aegypti) à haute résolution spatio-temporelle (à la maison et journalière).

Si le risque vectoriel est appréhendé à des échelles locales, comme c’est le cas dans l’application du concept de télé-épidémiologie, il est alors envisageable que les produits de la modélisation puissent être utilisés de manière concrète sur le terrain, comme une aide à l’application de mesures de lutte et de prévention.

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Biographie Anna-Bella Failloux

Chef de Laboratoire à l’Institut Pasteur, Responsable du laboratoire Arbovirus et Insectes Vecteurs

Entomologiste médicale de formation et à l’Institut Pasteur depuis 1994 où elle dirige
aujourd’hui un laboratoire dont la spécificité se tourne vers les moustiques vecteurs d’arbovirus tels que la dengue, le chikungunya, le virus de la fièvre de la vallée du Rift, le West-Nile, la fièvre jaune. Nous collaborons en particulier avec les instituts du Réseau International des Institut Pasteur où nous étudions les populations naturelles de moustiques qui suite à des perturbations écologiques et anthropiques, modifient la transmission de certains agents pathogènes dont les arbovirus. La diversité analysée au niveau des populations de moustiques comme au niveau des populations de virus pris dans un environnement changeant affecte significativement l’évolution des maladies à transmission vectorielle.

Cyril Caminade

Biographie :
Climatologue de formation, avec une expertise du climat en Afrique, je me suis spécialisé dans les études d’impact du réchauffement climatique sur la santé depuis mon arrivée à l’université de Liverpool en 2006. En particulier, j’utilise des modèles mathématiques pour quantifier l’impact du changement des conditions environnementales sur une gamme diverse de maladies vectorielles humaines et/ou animales (paludisme, fièvre de la vallée du Rift, peste, fièvre catarrhale ovine, douve du foie) et sur des espèces invasives comme le moustique tigre Ae. Albopictus qui est un vecteur de la dengue et du chikungunya. Ces études ont été utilisées et citées dans des rapports gouvernementaux comme le dernier rapport du Groupe International des Experts du Climat (GIEC), un rapport de la banque mondiale et diverses publications de l’agence de protection de la santé en Angleterre.

Interview :

Dr Cyril Caminade - Impact du réchauffement climatique sur les maladies infectieuses vectorielles

Le changement climatique est considéré par l’Organisation mondiale de la santé comme une des principales menaces pour la santé humaine et animale. En particulier, les conditions météorologiques ont une influence forte sur les maladies véhiculées par les insectes, les gastéropodes ou autres animaux à sang froid. Durant cette intervention, je présenterais quelques exemples récents de recherche concernant la modélisation des impacts du réchauffement climatique sur le paludisme, la douve du foie qui est une maladie parasitaire affectant les ruminants, et le moustique tigre Ae. Albopictus qui est un vecteur de la dengue et du chikungunya. Les résultats montrent que le réchauffement planétaire a un fort potentiel pour affecter la distribution géographique et la saisonnalité future de ces maladies infectieuses et de leurs vecteurs. Cependant, étant donné que ces maladies infectieuses vectorielles sont des systèmes extrêmement complexes, d’autres importants facteurs socio-économiques doivent être considérés pour estimer leur distribution et leur sévérité future.

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Anna-Bella Failloux - Les maladies à transmission vectorielle : vers une lutte intégrée ?

Les maladies à transmission vectorielle figurent parmi les principales causes de morbidité et de mortalité pour l’homme et les animaux. Le paludisme, les filarioses, les leishmanioses, l’onchocercose, et les arboviroses tels que la dengue, le chikungunya, la fièvre jaune affectent la santé de millions de personnes. Le contrôle de ces pathologies passe nécessairement par la connaissance, la plus complète possible, des vecteurs qui les transmettent et notamment, de leur compétence vectorielle. Le cycle de transmission d’un arbovirus par un insecte vecteur reste intimement dépendant des relations qui lient l’agent pathogène, l’insecte vecteur et l’hôte vertébré. Chaque composante de ce système vectoriel est modelée par des facteurs environnementaux tels que la température qui rend possible l’incursion d’espèces de moustiques invasives vers des latitudes plus septentrionales, à laquelle s’associe l’émergence de certains arbovirus. Les processus d’invasion sont complexes et le contrôle des maladies vectorielles devra s’appuyer sur une stratégie de lutte intégrée en ciblant les différents protagonistes du système vectoriel.

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Grégory L'Ambert - Nouveaux contextes en épidémiologie vectorielle: influence des facteurs anthropiques sur la circulation de la fièvre West Nile, de la Dengue et du Chikungunya en métropole.

Depuis le début du 21ème siècle la France et l'Europe ont à faire face à de nouveaux enjeux en termes de maladies vectorielles émergentes (fièvres West Nile et de la vallée du Rift, Dengue, Chikungunya etc.) Les changements majeurs qu'exerce l'Homme sur son environnement modifient conséquemment les aires de répartitions d'insectes vecteurs, des hôtes réservoirs et les paramètres abiotiques régissant la permissivité de l'environnement dans les cycles de transmission vectoriels des pathogènes. Au travers les exemples du virus West Nile en Camargue et de l'introduction du moustique Aedes albopictus (vecteur de la Dengue et du Chikungunya) en métropole nous discuterons des conséquences de ces perturbations anthropiques dans des systèmes vectoriels soumis à la globalisation.

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Biographie Agnès Leblond

Agnès LEBLOND est Professeur en médecine Interne des Equidés à Vetagrosup (anciennement Ecole Nationale Vétérinaire de Lyon) depuis 1994. Enseignant Chercheur diplômée du Collège Européen de Médecine Interne, elle mène ses activités de recherche au sein de l’Unité UR346 d’Epidémiologie Animale de l’INRA de Clermont-Ferrand/Theix. Ses recherches visent à développer des méthodes et outils de surveillance et d’alerte précoce des maladies infectieuses chez le cheval. Les modèles étudiés sont la Fièvre de West Nile, maladie transmise par les moustiques, l’anaplasmose granulocytaire, maladie transmise par les tiques et la peste équine, maladie transmise par des moucherons.

Biographie Chantal Pacteau

Chantal PACTEAU, directrice adjointe du "Climat, environnement, société" (GIS) ; directrice de recherche au CNRS à l’Institut de l’écologie et des sciences de l’environnement de Paris.

Diplômée de l'Institut national agronomique de Paris (spécialisation agriculture comparée et développement), elle est aussi titulaire d'un doctorat en neurosciences de l’Université Paris‐Sud. Au sein du CNRS où elle est entrée en 1983, elle a poursuivi une activité de recherche expérimentale en psychobiologie pendant près de vingt ans. En 2003, elle entre à la Direction des relations européennes et internationales du CNRS en tant que directrice-adjointe pour le secteur Afrique et Moyen‐Orient. Quand elle rejoint le GIS en 2007, c’est avec la mission d’y renforcer l’interdisciplinarité -au niveau national et international- en élargissant les liens entre sciences du climat, sciences du vivant et sciences humaines et sociales. Elle a contribué à lancer et à soutenir des ateliers de réflexion et projets de recherche sur les liens complexes entre changement climatique, biodiversité et maladies infectieuses.

Biographie Patrick Monfort

Patrick Monfort est Directeur de recherche au CNRS, membre de l’équipe « Pathogènes et environnements » de l’UMR 5119 – CNRS, IRD, Ifremer, Université de Montpellier – Ecosym (Ecologie des Systèmes Marins Côtiers). Il est également directeur adjoint de l’Observatoire Homme Milieux (OHM) Littoral Méditerranéen. Docteur de l’Université de Montpellier en écologie microbienne, ses recherches visent à comprendre l’écologie des bactéries pathogènes humains dans les milieux aquatiques. Ses travaux ont porté sur Aeromonas, Salmonella et sur les bactéries témoins de contamination fécale. Actuellement, ses recherches concernent les vibrios pathogènes humains comme modèles de pathogènes émergents en relation avec les variations climatiques et l’anthropisation des milieux aquatiques.

Patrick Monfort - Les vibrios pathogènes humains : dynamique et climat

Les vibrios pathogènes humains sont des bactéries autochtones des milieux marins-côtiers (littoral, estuaires, deltas, lagunes). Vibrio cholerae est le plus connu des vibrios pathogènes humains et responsable du cholera. La majorité des cas de vibrioses humaines non cholériques est due à V. parahaemolyticus, V. vulnificus et V. cholerae non cholérique. La consommation de coquillages et de produits de la mer, crus ou peu cuits, est la cause des gastro-entérites à vibrios non cholériques ; le contact de plaies avec l’eau de mer est responsable d’infections cutanées qui peuvent évoluer en septicémies. La dynamique de ces bactéries dans les milieux marins côtiers est reliée essentiellement à la température de l’eau de mer en surface (SST sea surface temperature) et à la salinité. La dynamique du cholera au Bengladesh a été reliée aux variations climatiques qui provoquent une augmentation de SST. De même, les variations de SST sont responsables d’épidémies à V. parahaemolyticus aux USA et en Europe. Les chutes de salinité des eaux dans des systèmes côtiers lagunaires provoquées par des pluies brutales et intenses induisent une forte augmentation des vibrios pathogènes humains dans ces écosystèmes. Les variations climatiques sont ainsi responsables de l’émergence de ces bactéries au niveau mondial, et du risque infectieux associé. Il devient nécessaire de modéliser les dynamiques de ces bactéries en relation avec des facteurs environnementaux afin de gérer le risque.

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Synthèse Atelier A par A. Leblond