VetAgro Sup Région Rhône-Alpes Université de Lyon

Atelier C – Microbiote, génôme et exposôme

Note de problématique

L’émergence de nouvelles maladies est généralement liée à des modifications environnementales récentes, comme la fragmentation des habitats, l’intensification de l’agriculture et de l’élevage, l’utilisation massive de xénobiotiques (antibiotiques, anti- parasitaires, pesticides, insecticides, etc.), et les changements de mode de vie. Le rapport entre … Lire la suite

Salle 5

Programme

Président : Frédéric THOMAS

Interpellateur : Michel RAYMOND

Rapporteur : Fabrice VAVRE

14h00 première partie : Variabilité intraspécifique et Santé: quelles échelles considérer ?

15h30 pause

16h00 deuxième partie : Faut-il éradiquer les parasites ?

Synthèse

Synthèse par F. Vavre:

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Note de problématique – Atelier C : Microbiote, génôme et exposôme

L’émergence de nouvelles maladies est généralement liée à des modifications environnementales récentes, comme la fragmentation des habitats, l’intensification de l’agriculture et de l’élevage,
l’utilisation massive de xénobiotiques (antibiotiques, anti- parasitaires, pesticides, insecticides, etc.), et les changements de mode de vie. Le rapport entre biodiversité et apparition de maladies reste complexe et les mécanismes précis demandent à être compris, surtout en considérant que les risques pour la santé humaine sont considérables (cas emblématique de H1N1 par exemple). A la diversité écologique (inter-spécifique), s’ajoute la diversité intra-spécifique, qui est primordiale pour lutter contre les maladies infectieuses. En effet, aucun parasite ne peut être parfaitement adapté à tous ses hôtes si ceux-ci sont hétérogènes. Par contre, dans une population génétiquement homogène – comme certaines populations agricoles – une souche d’un pathogène parfaitement adaptée peut émerger, conduisant à des pertes de productions considérables.

Mais la relation entre biodiversité et émergence des agents infectieux n’est certainement pas simple. En effet, si le génome joue un rôle déterminant, du fait de son histoire évolutive, dans la résistance ou la susceptibilité à un agent infectieux ou une maladie, sa modulation par l’environnement au cours du développement d’un individu intervient aussi : le génome est ainsi modulé par l’exposome, ensemble des expositions environnementales d’un individu depuis sa conception. Le défi de l’atelier est de cerner les rapports entre biodiversité de l’environnement proche et santé, qui demande également d’intégrer une approche évolutionniste.

Variabilité intraspécifique et Santé: quelles échelles considérer ?

L’espèce humaine, Homo sapiens, présente une grande variabilité génétique et culturelle. Cette variabilité n’est pas distribuée aléatoirement : généralement, les individus d’origines géographiques
proches sont également génétiquement et culturellement proches, même si chaque individu reste unique.
Ainsi, il existe des adaptations locales dans l’espèce humaine, c’est-à-dire des traits –génétiques ou culturels– partagés au sein d’un groupe et qui participent à une meilleure survie ou reproduction dans un certain contexte. Ces adaptations peuvent être d’ordre environnemental (adaptation à l’altitude, aux UV, au froid…), parasitaire (résistance à la malaria,… ), alimentaire (tolérance au lactose, amplification des amylases, épices dans l’alimentation comme anti-parasitaire, etc…). Il existe également des différences entre certaines catégories (hommes et femmes, jeunes et adultes, etc.) et des différences individuelles qui procèdent de différences génétiques, de situations sociales ou professionnelles et de choix de vie (alimentaires, etc). La flore intestinale (microbiote) est également variable entre les individus, et on découvre qu’elle est de plus en plus liée à la santé de l’individu qui la porte. De plus, les histoires individuelles modules cette variabilité, au travers de la plasticité, de l’épigénétique, etc.
Actuellement, toutes ces catégories ne sont pas prises en compte lors des essais cliniques des médicaments : la médecine occidentale considère peu les différents groupes ethniques, hommes et
femmes, enfants et adultes, jeunes et vieux, etc., ce qui conduit alors à des ajustements ad hoc et à une augmentation des effets secondaires dans les catégories non testées (par exemple les Asiatiques nécessitent une dose d’antidépresseurs correspondant à la moitié de celle recommandée pour les Caucasiens). Le développement de la médecine personnalisée est essentiellement basé sur des
approches génétiques en omettant totalement la possibilité d’autres types de variations…

A toutes ces échelles, depuis les groupes jusqu’aux microbiotes, des interactions avec des problèmes de santé peuvent donc potentiellement émerger. Entre la médecine modulée au niveau microbiotique, individuel, ou ethnique, tout un champ de possibilités est offert. Comment avancer dans ce contexte de diversité, le but étant bien sûr de maximiser la santé des individus ?

Faut-il éradiquer les parasites ?

Si l’homme a toujours vécu au contact de nombreux parasites, ce n’est toutefois plus le cas dans de multiples régions du monde car, à la suite de changements environnementaux ou sociaux marqués, les contacts avec les organismes pathogènes ont fortement été diminués. Mais in fine, ces réductions parasitaires sont-elles souhaitables ? L’homme a-t-il raison de chercher constamment à éradiquer ses parasites ? Des conséquences positives sont indéniables étant donné les effets délétères importants de beaucoup d’entre eux. Mais la réduction des contacts parasitaires a aussi des conséquences négatives sur notre santé, du fait de la coévolution hôte-parasite qui a créé des interactions complexes. Par exemple les parasites intestinaux comme les helminthes ont développé la capacité de réguler l’immunité de type II afin d’augmenter leur survie. La régulation du système immunitaire a évolué en retour, afin de rétablir une expression normale en présence des helminthes. En supprimant soudainement ces vers intestinaux, on provoque un dysfonctionnement immunitaire, car on supprime dans le même temps le facteur régulateur qu’étaient les helminthes, ce qui aboutit une réaction immunitaire inappropriée (autoimmune). Par ailleurs, des phénomènes d’interférence existent entre pathogènes. Dans quelle mesure l’éradication d’un pathogène laisse-t-elle alors la porte ouverte à d’autres pathogènes, potentiellement plus virulents ?

Ainsi, si la suppression brusque des parasites amène souvent à des améliorations de santé du fait de leurs effets négatifs, on assiste parfois à des détériorations du fait des liens complexes sélectionnés au cours des interactions durant l’histoire évolutive. La recrudescence de diverses pathologies (e.g. allergies, la maladie de Crohn, le diabète de type 1, et l’asthme … ), pourrait trouver son explication dans ces phénomènes. De même, les perturbations du microbiome, conséquences des antipathogènes comme les antibiotiques, semblent avoir des conséquences dont on commence
seulement à mesurer les conséquences sur la santé.

La prise en compte de l’évolution des interactions entre l’homme et ses parasites est certainement pleine d’avenir, en apportant en particulier une vision moins manichéenne et pouvant
s’ouvrir sur des applications inattendues pour améliorer la santé.

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Biographie Benjamin Roche

Benjamin Roche, CR1, IRD,
Est un expert en écologie et évolution des maladies infectieuses, en utilisant une combinaison de modélisation théorique et d’analyse statistique à partir de données empiriques afin de révéler les informations les plus importantes provenant des observations de terrain. Durant sa carrière, il a fortement contribué à enrichir la littérature scientifique sur l’écologie et l’évolution des maladies infectieuses. Il a notamment conduit les premières études théoriques sur le champ de l’épidémiologie des communautés, permettant d’étudier le lien entre la diversité des communautés d’hôtes et la force de transmission des agents pathogènes. Il a également contribué a l’identification de la transmission environnementale des virus de grippe aviaire chez les oiseaux sauvages et de la responsabilité de cette route de transmission sur la forte diversité génétique de ces virus, véritable « banque de souches » pour les pandémies humaines. Depuis janvier 2014, il est le responsable de l’équipe « Epidemiologie et santé » au sein du laboratoire UMMISCO (IRD/UPMC). D’un point de vue scientifique, il est l’auteur de nombreuses publications scientifiques, en particulier dans des journées s’intéressant à l’écologie et l’évolution des maladies infectieuses tels que The American Naturalist, Ecology Letters, Evolutionary Applications, Philosophical Transactions of Royal Society (Biological Sciences) ou PLoS Biology.

Benjamin Roche – L’éradication des agents infectieux peut avoir des conséquences néfastes pour la santé des populations humaines

L’étude des systèmes infectieux a traditionnellement eu tendance à se focaliser uniquement sur l’interaction entre l’hôte et l’agent causatif de l’infection. Cette approche a permis aux épidémiologistes de mieux comprendre la transmission des pathogènes, en particulier pour les systèmes antigéniquement stable comme la rougeole ou la coqueluche où les pathogènes n’évoluent pratiquement plus. Néanmoins, il est aujourd’hui de plus en plus évident que ces pathogènes ne sont pas seuls, ni au sein d’une population hôte, ni même au sein d’un individu hôte, et qu’ils forment avec d’autres pathogènes une « communauté » de pathogènes au sein de laquelle de nombreuses interactions existent. Les interactions entre pathogènes peuvent prendre des formes très différentes, notamment dans l’échelle à laquelle ils opèrent. L’interaction entre virus et bactéries dans le système influenza-pneumocoque est arbitré par le système immunitaire et intervient à une échelle intra-hôte, alors que le virus de la rougeole et la bactérie responsable de la coqueluche interagissent à un niveau populationnel lorsque les individus infectés par une pathologie rentrent en convalescence et ne sont plus susceptibles d’être infectés par l’autre maladie. Ces interactions peuvent intervenir entre des pathogènes génétiquement proches, comme dans le cas des souches de virus grippaux influenza ou les sérotypes de Dengue, ou plus éloignés comme pour le cas du VIH et du paludisme ou encore des communautés de macroparasites. Ces quelques exemples d’interactions montrent que la transmission de chaque agent pathogène peut influencer la transmission d’autres agents pathogènes. Ainsi, l’éradication ou le contrôle d’une maladie infectieuse peut avoir pour effet l’augmentation de la transmission d’autres maladies, comme l’avait suggéré Mirko Grmek avec l’éradication de la variole et le début de l’émergence des maladies infectieuses. Je défendrais ici le point de vue d’une utilisation modérée des outils de santé publique afin de limiter les effets néfastes et imprévisibles que les campagnes de contrôle peuvent générer.

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Biographie Fabrice Vavre

Fabrice Vavre est Directeur de recherche au CNRS. Il est responsable de l’équipe « Ecologie et évolution des interactions hôtes – parasites » au sein du Laboratoire de Biométrie et Biologie Evolutive (UMR CNRS 5558, Université Lyon 1). Ses thématiques de recherche concernent l’écologie et l’évolution des interactions symbiotiques chez les Arthropodes. Au niveau fondamental, elles permettent de comprendre le rôle clé joué par le microbiote dans l’expression des caractères individuels (manipulations de la reproduction, adaptations à des environnements particuliers ou encore résistance à des pathogènes) et l’évolution des organismes. Plusieurs programmes en cours concernent des modèles d’intérêt agronomique ou médical et visent à évaluer et/ou mettre en place des méthodes alternatives de contrôles des populations d’Arthropodes en utilisant ces bactéries symbiotiques.

Biographie Guillaume Laval

Chargé de recherche, Institut Pasteur
Guillaume Laval est généticien des populations. Il a réalisé sa thèse, délivrée en 2001 par l’Institut National Agronomique Paris-Grignon (INA-PG), à l’INRA de Toulouse. Il a alors proposé de nouvelles méthodes d’analyse de la diversité génétique des races animales. Par la suite, il a réalisé un premier post doc à l’Université de Bern dans le laboratoire du professeur Laurent Excoffier où il a analysé la variabilité/diversité génétique de différentes populations humaines européennes. En 2006, il a intégré l’Institut Pasteur comme chargé de recherche dans l’unité de Lluis Quintana-Murci, où il a analysé la diversité génétique humaine afin de mettre en évidence les effets de la sélection naturelle (adaptation) sur les gènes de l’immunité innée notre première barrière de défense contre les pathogènes (santé).

Guillaume Laval – Variabilité génétique des populations humaines, adaptation et santé

Nous sommes les descendants d’individus qui ont survécu aux pressions de sélection exercées par les pathogènes au cours de notre histoire et ces pressions ont été, et sont encore, extrêmement fortes. Par exemple, les grandes épidémies de peste noire décimèrent plus de 30% de la population européenne. Aujourd’hui, les formes sévères de malaria font ~3 millions de morts par an. L’environnement pathogénique a donc laissé une forte empreinte sur la variabilité génétique humaine actuelle, en sélectionnant, par exemple, les individus porteurs de mutations de « résistance » aux maladies infectieuses. En retour, à l’ère de la génomique (étude des génomes dans leur globalité à l’aide de millions de marqueurs génétiques), nous pouvons utiliser ces empreintes laissées dans les génomes afin de détecter l’intensité de la sélection naturelle et ainsi quantifier l’importance relative des différents gènes dans notre adaptation aux pathogènes. Nous pouvons également identifier les mutations responsables d’une meilleure survie en milieu pathogénique. Par exemple, en termes de santé publique, il est important de comprendre comment une adaptation locale (sélection naturelle) peut influencer les fréquences de ces mutations de « résistance » (ex. mutations dans les gènes CR1 et G6PD entrainant diverses résistances à la malaria en Afrique et Asie).

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Biographie Michel Raymond

Michel Raymond, DRCE, CNRS

Il est responsable de l’équipe « Biologie Evolutive Humaine » au sein de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier (UMR 5554, Université de Montpellier). Spécialiste de biologie évolutionniste, il a d’abord développé des recherches sur la génétique de l’adaptation, puis il aborde sous un angle nouveau l’espèce humaine en bousculant les barrières traditionnelles (mais arbitraires) entre la biologie et les sciences humaines. Il s’intéresse en particulier à l’évolution culturelle, aux conflits familiaux, à l’évolution de la ménopause et de l’orientation sexuelle, et aux liens entre biologie évolutionniste et santé, y compris en ce qui concerne l’alimentation.

Interview:

Biographie Frédéric Thomas

Frédéric Thomas est Directeur de recherches au CNRS à Montpellier avec une expertise reconnue dans le domaine des interactions hôtes-parasites, en particulier la manipulation parasitaire. Il a publié plus de 150 articles dans des revues internationales (1995 à aujourd’hui), notamment Nature, Evolution, Trends in Ecology and Evolution, Ecology Letters, Ecology, American Naturalist, Proceedings of the Royal Society, Plos pathogen, Proteomics et il a aussi édité 8 livres (dont deux à Oxford University Press). Il travaille sur le thème Evolution et Cancer depuis juillet 2011, et a depuis cette période publié 16 articles sur ce thème (e.g. Biology letters, Evolutionary Applications, BMC cancer, Infection Genetics and Evolution…). Il a reçu la médaille d'argent 2012 du CNRS pour ses travaux.

Biographie Pr Francelyne Marano

Professeur émérite de biologie cellulaire et de toxicologie - Université Paris Diderot

Spécialiste de l’impact des polluants environnementaux sur la santé, en particulier des polluants d’origine atmosphérique et des nanoparticules.
Présidente de la Société Française de Santé et Environnement ( SFSE),
Membre du groupe « Instaurer un environnement respectueux de la santé » au Grenelle de l’environnement et membre du groupe de travail chargé d’élaboré des propositions pour le PNSE2,
Présidente du groupe de suivi du PNSE2 sur les risques émergents,
Membre du Haut Conseil de Santé Publique, et vice présidente de la commission sur les risques liés à l’environnement (CSRE),
Présidente du comité d’appui scientifique pour l’élaboration du PNSE3.

Interview:

Biographie Philippe Vanhems

Philippe Vanhems est médecin, responsable du Pôle Santé, Recherche, Risques et Vigilances (S2RV) et du Service d’Hygiène, Epidémiologie et Prévention de l'Hôpital Edouard Herriot (Hospices Civils de Lyon). Il est également professeur d'Epidémiologie et de Santé Publique à la faculté de médecine de Lyon (Lyon Est, Université Claude Bernard) et responsable de l'équipe Epidémiologie et Santé Publique à l'UMR CNRS 5558. Il a obtenu son diplôme de doctorat en médecine à l'Université de Nancy (1992) et un doctorat en santé publique et épidémiologie (PhD) à l'Université de Montréal (1998). Il a également intégré le département des maladies infectieuses à l'hôpital universitaire de Genève pendant sa formation. Avant de revenir en France, il a été chercheur invité au Centre National d’Epidémiologie et de Recherche Clinique sur le VIH à Sydney (University of New South Wales, Australie) et au Centre de Recherche sur le Cancer (Fred Hutchinson Cancer Research Center, programme sur les maladies infectieuses) à Seattle (USA).

Ses principaux axes de recherche sont l'épidémiologie des maladies infectieuses et la méthodologie épidémiologique concernant les maladies infectieuses et l'investigation d'épidémies. Ses activités de recherche ont porté également sur l'épidémiologie du VIH/sida et les infections nosocomiales. Il est auteur, co-auteur ou investigateur de plus de 250 publications scientifiques référencées dans des journaux internationaux. Il a été membre du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Il est actuellement membre du conseil scientifique de l'Institut National de Veille sanitaire, du conseil d'administration de la Société Française d'Hygiène Hospitalière (SF2H) et de son conseil scientifique.

Philippe Vanhems - Risque infectieux lié à l'environnement hospitalier

Les infections liées aux soins reposent sur une interaction forte entre l'hôte (le malade), l'environnement et l'agent infectieux (bactérie, virus ou parasite). Le contrôle du risque infectieux dépend des déterminants, ou facteurs de risque, liés à ces complications liées aux soins. L'éradication de l'agent infectieux n'est pas un objectif facile à atteindre car de nombreuses infections sont d'origine endogène, c'est-à-dire que le patient était porteur du germe qui va causer son infection avant d'être hospitalisé ou exposés à une prise en charge médicale. Plusieurs facteurs facilitent le passage de colonisation à infection, et l'effort doit être ciblé en partie sur ces facteurs, en particulier si certains sont modifiables. Des exemples seront donnés sur ce sujet. Par ailleurs, les contacts inter-individuels facilitent la transmission des agents infectieux au cours des soins. Des résultats préliminaires décrivant la capacité de transmission de virus reliés aux contacts inter-individuels (soignants-soignés) lors de soins seront exposés.

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Synthèse Atelier C par F.Vavre